The Houses : rencontre avec Anne-Sophie Prevot, architecte au Portugal

12.05.2025 Ils nous inspirent

Tombée amoureuse du Portugal et de la région de l’Algarve, Anne-Sophie Prevot, productrice événementielle depuis de nombreuses années, se tourne alors vers son autre passion : l’architecture. Sur place, elle crée l’agence “The Houses” et rénove d’anciennes maisons portugaises destinées à la location saisonnière ou à la revente. Mue par son amour pour la vieille pierre, elle nous propose de découvrir aujourd’hui des biens uniques, aux inspirations multiples. Rencontre avec Anne-Sophie Prevot, architecte au Portugal.

Pouvez-vous vous présenter ? Ainsi que The Houses ?

Je m’appelle Anne-Sophie Prevot. Je suis productrice événementielle depuis plus de 20 ans, il y a un an, j’ai fondé The Houses, une agence qui réunit architecture, architecture d’intérieure et curation de meuble, avec une approche globale allant de la conception des espaces jusqu’au choix du mobilier, mêlant pièces vintages et créations contemporaines.

Une reconversion inspirée : de la production événementielle aux pierres portugaises

Qu’est-ce qui vous a attirés au Portugal, et plus particulièrement en Algarve, pour y établir votre agence ?

C’est au détour d’un voyage que le Portugal m’a touchée, et plus particulièrement l’Algarve. Ce qui m’a tout de suite séduite, ce sont ces maisons anciennes, pleines de caractère avec leurs détails architecturaux typiques de la région : les azulejos, les cheminées sculptées, les volumes simples. Les portugais aussi m’ont beaucoup touché, leur chaleur, leur douceur de vivre. Et la nature, entre mer et campagne brute et apaisante à la fois. Tout cela a résonné profondément en moi et m’a donné l’envie d’y ancrer une partie de mon activité.

Comment décririez-vous l’environnement culturel et architectural de l’Algarve, et comment cela influence-t-il vos créations ?

L’environnement culturel et architectural de l’Algarve nourrit profondément mon travail au quotidien. Je suis particulièrement sensible aux détails que l’on retrouve dans l’architecture traditionnelle : les encadrements travaillés des fenêtres, les portes et fenêtres traditionnelles en bois, les carreaux de ciment traditionnels, les textures patinées par le temps… Tous ces éléments m’inspirent et viennent souvent se glisser, parfois subtilement, dans mes projets. J’aime les faire dialoguer avec une esthétique plus brute, plus radicale — celle du brutalisme, que j’affectionne pour sa force expressive. Ce mélange entre finesse artisanale et rigueur structurelle me permet de créer des espaces uniques, à la fois ancrés dans leur territoire et ouverts à une lecture plus contemporaine.

Votre agence se spécialise dans la réhabilitation de maisons anciennes. Pouvez-vous nous expliquer votre approche de la restauration et de la transformation de ces espaces ?

Mon approche de la transformation des espaces part toujours d’un respect profond pour l’existant. Les maisons anciennes portugaises, souvent composées de petites pièces cloisonnées et de fenêtres étroites, renferment un charme unique, mais ne correspondent plus toujours aux modes de vie actuels. Ce que j’aime, c’est garder la ‘carcasse’ — l’âme du lieu — tout en décloisonnant, en agrandissant lorsque c’est possible, et en créant de nouvelles ouvertures. J’essaie toujours d’orienter les vues vers la nature, en fonction de l’implantation de la maison. Le but est d’ouvrir les perspectives, d’apporter plus de lumière, de fluidité, et surtout, de chaleur. Je joue aussi, quand c’est faisable, avec les hauteurs sous plafond pour renforcer cette sensation d’espace. L’idée est de redonner vie à ces lieux sans les dénaturer, en les adaptant à une manière de vivre plus ouverte, plus connectée à l’extérieur, mais toujours empreinte d’histoire

Quel regard portez-vous sur la rénovation aujourd’hui ? Comment conciliez-vous respect du patrimoine et expression contemporaine ?

Pour moi, respecter le patrimoine, c’est d’abord savoir observer. Dès que je me promène dans une ville ou un village, je regarde tout : les façades, les détails d’encadrement, les volumes, les textures. Je prends des photos, je crée une sorte de bibliothèque visuelle personnelle qui va des maisons anciennes aux bâtiments des années 50 ou 60. C’est dans ces détails que je puise une grande partie de mon inspiration. Une grille en fer forgé, un motif sur un carrelage, une couleur passée par le temps… même une fleur croisée par hasard peut se retrouver, détournée, sur une façade ou dans un intérieur. À côté de cela, je nourris aussi ma réflexion contemporaine avec des livres, beaucoup de documentation, mais aussi des choses complètement inattendues : une feuille d’arbre, une page de livre de cuisine, un jeu de lumière. Tout est potentiellement une source d’idées.

Parmi vos projets, Casa Fuseta, Casinha Bloom et The Olive House se distinguent. Pourriez-vous nous en dire plus sur l’un de ces projets ?

Chaque projet naît d’une intention différente, et c’est ce qui les rend uniques. Pour Olive House, l’idée était claire dès le départ : concevoir une maison pensée pour être vendue, mais avec une vraie âme. J’ai imaginé les espaces pour qu’ils puissent convenir à une vie à l’année comme à une location saisonnière, avec un soin particulier pour la praticité, le confort et l’atmosphère chaleureuse. De l’architecture jusqu’à la petite cuillère, tout a été pensé, choisi, harmonisé. Le mobilier, les luminaires, les objets… rien n’a été laissé au hasard. Je voulais que chaque recoin de la maison invite à y rester, à s’y projeter.

À l’inverse, Casa do Patio à Fuseta a été conçue dès le départ comme une maison de location saisonnière, mais pas au sens impersonnel du terme. Comme pour Casinha Bloom, j’ai voulu qu’on y ressente une présence, une sensibilité, comme si l’on entrait dans une maison habitée. Il y a plus de choses personnelles, plus de liberté aussi dans le choix des objets. Chaque pièce, chaque élément a été sélectionné en fonction du lieu, pour créer une atmosphère vivante, accueillante, jamais figée. J’adore quand les gens me disent qu’ils se sentent chez eux. C’est exactement le but : des lieux chaleureux, authentiques, loin des ambiances trop standardisées.

Quelle est votre philosophie en matière de design intérieur ? Comment trouvez-vous l’équilibre entre esthétique, confort et fonctionnalité ?

Trouver l’équilibre entre esthétique, confort et fonctionnalité, c’est avant tout une question de bon sens… et de test ! Rien n’est laissé au hasard : avant de valider un canapé — qu’il soit acheté ou dessiné sur mesure en béton — je le teste, je réfléchis à la profondeur de l’assise, à l’usage au quotidien, à l’entretien. C’est la même chose pour les salles de bain : je peux créer des éléments en maçonnerie, mais toujours en les associant à des détails contemporains, comme de beaux robinets modernes, pour maintenir ce dialogue constant entre artisanat et modernité. Je veille aussi beaucoup à l’équilibre des couleurs. Pour moi, une palette bien choisie contribue autant au confort qu’à l’esthétique : elle doit réchauffer les espaces, éviter l’aseptisation, et donner envie d’habiter le lieu. Chaque choix, du plus grand au plus petit, est fait pour que l’on se sente bien, dans un espace beau, pratique… et vivant.

Quelles sont vos principales sources d’inspiration en décoration ? Y a-t-il des designers, des mouvements artistiques ou des traditions locales qui influencent particulièrement votre travail ?

Mes inspirations sont assez éclectiques en architecture, je suis profondément marquée par le travail de certains maîtres portugais comme Souto de Moura ou Álvaro Siza, dont j’admire la justesse, la sobriété et l’ancrage dans le paysage. Mais je puise aussi dans des univers plus expressifs, comme celui d’Oscar Niemeyer, de Le Corbusier ou de Ricardo Bofill, pour leur liberté formelle et leur rapport à la lumière. Côté design, je suis fascinée par la scène italienne, notamment celle des années 40 à 2000. Gio Ponti, Achille Castiglioni, Carlo Scarpa, Mario Bellini, Gae Aulenti… leurs créations mêlent audace, fonctionnalité et raffinement avec une élégance qui me parle profondément. Parmi les designers contemporains, j’aime beaucoup le travail de Sabine Marcelis, Axel Chay, et l’humour singulier de Marion Mailaender. Mon univers se construit quelque part entre tous ces regards.

Quels sont vos projets futurs pour « The Houses » ? Envisagez-vous d’étendre vos activités à d’autres régions du Portugal ou à l’international ?

Nous travaillons actuellement sur un projet qui nous tient particulièrement à cœur : The Places, un lieu hybride et vivant en plein cœur de l’Algarve, à Olhão. C’est un espace pensé pour les rencontres, les échanges, la création. Il accueillera un café, un restaurant, un showroom dédié à la rénovation et à l’architecture, nos bureaux, ainsi qu’un espace de co- living. Nous y mettrons aussi en avant nos partenaires et artisans à travers un showroom collaboratif.

Mais The Places, c’est bien plus qu’un lieu : c’est un programme. Sur la terrasse, nous imaginons un espace polyvalent où auront lieu des conférences sur l’architecture, des dîners, des tables rondes autour de la construction locale, mais aussi des ateliers de cuisine, de poterie, et bien d’autres moments de partage. L’idée est qu’il s’y passe toujours quelque chose, que ce soit un lieu d’inspiration et de transmission. Nous avons tout conçu de A à Z : le concept, l’architecture, le design intérieur… La livraison est prévue pour avril 2026, et nous avons hâte de le voir prendre vie.

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